La campagne est-elle la ville de demain ?

Jeunes actifs, fraîchement retraités, ou parents depuis peu de temps, les citadins fuient les villes saturées et encore trop souvent perçues comme étant malsaines. Ils sont à la recherche d’un cadre de vie plus qualitatif, davantage serein et proche de la nature. Déçus de leurs environnements urbains, ils emportent pourtant avec eux une culture et un mode de vie construits en et réinvestissent la ruralité en la réinventant profondément. Des lieux d’expérimentations naissent dans ces espaces ruraux, comme le laboratoire d’initiatives citoyennes et éco-responsables « l’Hermitage ». Bref, la ville régurgite sa population vers sa périphérie et les campagnes s’imprègnent d’un nouveau parfum urbain, celui de l’innovation et d’un nouveau mode de vie. Nos campagnes se transformeraient-elles donc désormais en une nouvelle forme d’urbanité ?

Le chant des sirènes urbaines absorbe les populations rurales

Jusqu’à la moitié du 19è siècle en France, la population rurale ne faisait qu’augmenter. Mais cet accroissement naturel qui s’opérait sans discontinuer dans les campagnes a rapidement entraîné un excès de population et avec elle, une main d’œuvre disponible devenue trop importante pour subvenir aux besoins des exploitations locales. En parallèle, la mécanisation de plus en plus importante des travaux, jusqu’alors confiés à la main de l’homme, participe à la suppression d’emplois agricoles. Et puis les guerres ! Les ravages des conflits successifs ont apporté misère et famine dans les campagnes. Il s’agissait de la goutte de trop : le temps était venu de se réfugier dans les zones urbaines. Ces dernières prenaient alors de plus en plus d’ampleur à mesure qu’elles accueillaient un nombre toujours croissant de « ruraux ». En quête d’un emploi, de plus de services ou de commerces, les opportunités professionnelles et personnelles qui s’ouvraient alors à la portée de ces nouveaux citadins explosaient de manière phénoménale.

 

Ce processus migratoire a d’ailleurs largement été rendu possible par la place importante que l’industrialisation prenait progressivement dans la société. Les métiers de l’artisanat et de l’agriculture étaient voués à s’éteindre inexorablement, effacés par l’hégémonie de la révolution industrielle et par l’ambition d’obtenir un emploi salarié. Les plus jeunes quant à eux se tournaient vers la prospérité que promettait le monde des villes et misaient sur l’urbain pour projeter leur avenir. En somme, la population rurale vieillit ; les actifs sont absorbés par les promesses salariales de l’industrie et de la ville ; l’agriculture et les revenus qui y sont liés se trouvent en chute libre ; les villes engloutissent la vie de la campagne et cette dernière est consumée à petit feu.

 

L’ère des transports et du numérique retourne le mouvement

Mais depuis la fin du vingtième siècle, c’est un tout autre phénomène qui s’est mis en place entre urbain et rural. Il s’agit même d’une inversion de la tendance, qui mène aujourd’hui à un accroissement des migrations depuis les villes jusque dans les zones périphériques ou rurales. Plus de calme, plus de sérénité, un environnement moins dense, plus sain et plus proche de la nature… les citadins sont à la recherche de cet environnement qui paraît idyllique et qui est maintenant bien plus accessible qui n’a pu l’être, notamment par l’essor de l’utilisation de la voiture personnelle, et maintenant grâce au développement des offres de transports comme le bus ou le covoiturage qui ne nécessitent pas d’infrastructure lourde, à l’instar en particulier du train qui ne peut pas se passer de gares ferroviaires.

 

Aujourd’hui, les citadins sont de plus en plus nombreux à la recherche d’un cadre de vie et d’un environnement plus sains et plus proches de la nature. Le retour croissant à l’utilisation des produits biologiques, à la recherche d’une production locale et d’un lieu de vie plus propice à la vie de plein-air joue d’ailleurs un rôle non négligeable dans ce mouvement que l’on pourrait qualifier d’exode urbain. En parallèle, avec le développement et l’usage du numérique et des nouvelles technologies, les raisons qui ont rendu les villes attractives pendant plus de 150 ans s’amenuisent. La révolution industrielle a laissé sa place à la révolution numérique. En ce sens, le domaine industriel et les emplois qu’il procure, la force d’attraction qu’il a longtemps exercé sur les populations du siècle passé, s’effacent progressivement. Avec le développement du numérique donc, c’est la possibilité d’en faire l’usage en ville ou bien à la campagne. Ce ne sont en effet plus spécialement les infrastructures industrielles qui déterminent les migrations en direction de la ville ou de la campagne, mais bien les possibilités et les usages intellectuels que le numérique peut nous procurer, quel que soit l’endroit dans lequel nous nous trouvons.

Le cycle se boucle et la ruralité se réinvente

Ce mouvement qui entraîne de plus en plus de citadins à quitter les villes pour s’installer en milieu péri-urbain apporte avec lui une nouvelle manière de vivre « à la campagne », une nouvelle manière de la développer et de s’y épanouir. Cela est en effet principalement dû à l’exigence du mode de vie des anciens citadins. En emportant avec eux leur culture urbaine vers les territoires ruraux, l’ambition de s’installer à proximité d’offres de services et de commerces ne s’amenuise pas pour autant. Bien au contraire, les opportunités de développement semblent être encore plus nombreuses dans cet espace plus vaste où la densité n’est plus étouffante ! La manière dont les citadins ont appris en ville à s’approprier les espaces publics, à les partager et à y vivre collectivement se transpose désormais dans des espaces parfois tout à fait différents de ce qui leur était proposé dans les grandes agglomérations. Quand les urbains s’installent à la campagne, leurs ambitions et leurs exigences restent globalement les mêmes : la campagne se réinvente quotidiennement et collectivement, et l’urbanité se profile dans un cadre rural. Bref, les communes rurales deviennent de plus en plus « smart », la campagne refleurit et son solde migratoire augmente de nouveau.

 

À titre d’exemple, l’Hermitage, qui se définit comme un « Laboratoire d’initiatives et d’expérimentations pour toutes et tous » semble avoir bien intégré cet enjeu nouveau, auquel les espaces ruraux semblent être une réponse durable. Réinvestir des lieux pour y « expérimenter des solutions en réponse aux grands défis de notre siècle », voilà la force des espaces ruraux et des communes peu densifiées ! L’opportunité est donc belle pour construire collectivement des innovations sociales, agricoles, culturelles, économiques et construire des lieux de vies durables !

 

Par ailleurs, par ces démarches volontaires et par ce retour à la nature, nous constatons véritablement l’inversion du processus qui vidait les campagnes lors de la révolution industrielle. Alors que l’on cherchait à l’époque à devenir salarié d’une grande entreprise ou d’une industrie, la tendance actuelle démontre au contraire un souhait marqué de devenir indépendant et de s’extraire du salariat. Cette nouvelle façon de construire son parcours tant professionnel que personnel est actuellement un moteur important dans le mécanisme de migration en dehors des agglomérations les plus denses.

 

Ainsi, la ruralité offre un nouveau visage aux citadins qui ont cette image presque idyllique de la campagne. Parfois avérée, parfois erronée, elle reflète en tout cas une nouvelle porte sur l’avenir de la vie en société. Bien-sûr, les villes reprennent parfois les caractéristiques des zones rurales : les fermes urbaines deviennent monnaie courante, la végétalisation reprend du galon au cœur de nos rues. Mais la campagne a cette force de pouvoir offrir une cure de jouvence à nos manières de réfléchir ensemble, à une échelle plus humaine qui rend possible l’expérimentation. Les bâtiments multifonctionnels ou multiservices, les espaces de travail en commun ou d’innovation ont dans ces espaces ruraux, davantage de chances d’apporter une cohérence au collectif qui se construit. Autour de ces lieux structurants investis par les nouveaux ruraux, la campagne pourrait bien réinventer le logement, le mode d’habiter et la manière de construire une ville plus participative, durable et collaborative. Ainsi, les pistes pour la ville de demain pourront précisément se développer dans cet environnement rural à retrouver, à investir et à respecter.

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